Les progrès accomplis
Une meilleure connaissance des pollutions
En 2009, environ 900 stations de surveillance des milieux aquatiques et littoraux étaient opérationnelles. Aujourd’hui, elles sont plus de 1 800 pour les eaux de surface et près de 580 pour les eaux souterraines. Ce dispositif renforce et fiabilise la connaissance de la qualité des eaux.
Des stations d’épuration de plus en plus performantes
L’amélioration des performances des réseaux d’assainissement et des ouvrages d’épuration, combinée aux interdictions réglementaires d’usages de polluants, ont permis de larges progrès dans la lutte contre les pollutions issues des collectivités ou des industries (métaux lourds, carbone organique, PCB ou phosphore). Pour autant, on relève la non-conformité de certains systèmes d’assainissement par rapport aux exigences de la directive eaux résiduaires urbaines de 1992.
Une réduction de l’usage des phytosanitaires dans l’espace public
L’utilisation des phytosanitaires a beaucoup diminué dans l’espace public des collectivités par l’application de la loi Labbé de 2017 qui les a interdits.
Les problématiques persistantes
Tendances des ventes de phytosanitaires agricoles
Au niveau national, une baisse sur les ventes de substances actives a été récemment enregistrée (moins 20 % en 2022 par rapport à la moyenne 2015-2017, hors substances autorisées en agriculture biologique). Néanmoins, depuis 15 ans les quantités vendues sur le bassin restent relativement stables .
Concernant plus précisément les substances les plus problématiques pour la santé, au niveau national les ventes des substances actives les plus dangereuses pour la santé classées CMR1 (qui ont un effet avéré cancérigène, mutagène et reprotoxique), ont diminué de 95 % depuis 2015 et de 98 % depuis 2009, du fait de leur interdiction progressive suivie d’un retrait du marché. Néanmoins, sur le bassin Seine-Normandie, les ventes annuelles de toutes les substances actives dangereuses classées comme cancérigènes, mutagènes et reprotoxiques sont 2 fois plus élevées aujourd’hui que sur la période 2008-2014.
Une amélioration difficile pour les nappes d’eaux souterraines
Seules 28% des eaux souterraines sont aujourd’hui de bonne qualité. Or, sur ce bassin riche en réservoirs souterrains, l’eau potable provient à 60% des nappes. Les usines de potabilisation permettent d’obtenir une eau au robinet respectant les normes d’eau potable.
Les nappes d’eau souterraines réagissent souvent avec retard aux actions réalisées pour la qualité des eaux du fait du temps d’infiltration en profondeur qui peut être de plusieurs années à plusieurs décennies. Les principaux polluants présents dans les eaux souterraines du bassin sont les nitrates (fertilisants) et les pesticides, majoritairement d’origine agricole (dont certains ne sont aujourd’hui plus utilisés, mais qui continueront à polluer les nappes pendant plusieurs années). En effet, sur 41 nappes, les nitrates sont impliqués dans 43% des déclassements de l’état chimique, et les pesticides et métabolites dans 60% des déclassements. Ces produits sont aussi très présents dans les rivières, lacs et étangs et leur concentration y est particulièrement élevée en Ile-de France, dans les vallées d’Oise et dans la Marne.
Entre 2010 et 2020, la surface agricole utile (SAU) du bassin a diminué de 0,5 %, quand les ventes de pesticides ont augmenté en volume jusqu’en 2018, pour commencer à diminuer jusqu’en 2022. Le coût pour la société de la seule pollution due à l’utilisation des engrais azotés a été évalué entre 0,9 et 2,9 milliards d’euros par an pour la France toutes pollutions confondues, et entre 280 et 610 millions pour les seules conséquences économiques sur l’eau.
La gestion des ruissellements, un enjeu majeur pour les collectivités et l’agriculture
La gestion des eaux pluviales qui ruissellent sur les chaussées, les surfaces imperméabilisées et les parcelles agricoles est un sujet de préoccupation majeur qui s’amplifie avec l’augmentation de la fréquence et de l’intensité des fortes pluies. Celles-ci s’infiltrent d’autant moins que les sols sont imperméabilisés ou tassés, perdant en porosité. En ville, les volumes d’eau de pluie collectés dans les réseaux d’assainissement augmentent, entraînant régulièrement la saturation des systèmes de collecte, des dysfonctionnements de stations d’épuration, et des déversements directs dans les milieux aquatiques environnant.
Des polluants à surveiller étroitement
La pollution dans les nappes et les rivières, certaines se jetant dans la mer, s’explique en grande partie par des ruissellements chargés en substances polluantes ou d’eaux usées non complètement traitées. Celles-ci comprennent encore des métaux, des solvants industriels, des pesticides ou des résidus de médicaments à usage humain et animal. Chercher à la traiter totalement s’avère énergivore, coûteux et consommateur de volumes d’eau supplémentaires. Il est donc préférable de réduire ces pollutions à la source.
Les dangers associés à ces micropolluants diffèrent selon leur nature. Certains, tels le zinc ou l’aluminium, sont problématiques lorsqu’ils se trouvent en quantités importantes ; d’autres, tels les métaux lourds (mercure, plomb…), les pesticides, les perturbateurs endocriniens ou les hydrocarbures, ou leurs produits de dégradation, méritent une attention particulière du fait de leur toxicité à faible concentration.
Malgré des efforts notables en matière de pollution métallique, la vigilance s’impose par exemple sur les substances per et polyfluoroalkylées (PFAS), utilisées sur de multiples objets et produits du quotidien. Ces substances sont à l’origine d’une pollution si persistante qu’elle est qualifiée « d’éternelle ».
En outre, la récente prise de conscience du caractère potentiellement nocif des produits issus de la dégradation des pesticides (les métabolites) dans les eaux brutes induit un besoin de traitement plus performant des systèmes de traitement : ceci engage des coûts financiers supplémentaires, est consommateur en énergie et en eau de 15 % à 20 % en plus, et produit des filtrats pollués.
L’ensemble de ces problématiques concernent également la biodiversité
Ces pollutions affectent l’eau de manière systémique, et également la biodiversité sous toutes ses formes, dans les cours d’eau et plans d’eau, sur le littoral, et dans les milieux terrestres. Elles altèrent les interactions entre milieux vivants et l’ensemble des chaînes alimentaires, pourtant utiles à l’homme. En Europe, les populations d’insectes ont ainsi diminué de 70 à 80 % , et les oiseaux des milieux agricoles ont décliné de 60% en 40 ans. Appauvrissement de la vie microbienne dans les sols ou proliférations d’algues sur la côte sont d’autres symptômes de déséquilibres de la biodiversité.
Sur le bassin Seine-Normandie, une étude du PIREN-Seine sur une population de petits prédateurs locaux, les chabots, a mimé une forte exposition au S-Métolachlore, substance herbicide. Les résultats montrent des dommages cellulaires et physiologiques, ainsi qu’un gain de poids des individus sur un terme de 2 semaines. Cette étude in situ illustre le fait que la biodiversité du bassin peut être affectée par la présence de micropolluants pesticides.
Ce qu’il nous reste à faire, propositions
Intensifier et accélérer les efforts de réduction d’utilisation des engrais et pesticides agricoles
En agriculture, la diversification des variétés cultivées, l’implantation de légumineuses, le mélange d’espèces (ex : graminée et légumineuse), l’implantation et le maintien de haies, la couverture du sol le plus longtemps possible, ou l’agroforesterie, sont autant d’exemples de pratiques progressivement mises en œuvre. Combinées, elles induisent une plus grande résistance des plantes aux stress tels que la sécheresse, le risque d’érosion des sols, la résistance des plantes aux ravageurs et aux maladies, et permettent un moindre recours aux pesticides et aux engrais de synthèse.
Les agriculteurs sont accompagnés par l’agence de l’eau pour se doter d’équipements destinés à réduire l’usage de produits phytosanitaires. L’agence de l’eau accompagne également les filières à bas niveaux d’intrants (élevage extensif en herbe, culture de luzerne ou chanvre…), et soutient spécifiquement l’agriculture biologique. La dynamique tardive mais notable de conversion à l’agriculture biologique est cependant mise à mal par la récente crise conjoncturelle, liée à plusieurs facteurs dont le pouvoir d’achat, traversée par la filière. Les collectivités territoriales peuvent s’engager dans une stratégie foncière, mettre en place des baux ruraux environnementaux, ou des obligations réelles environnementales, qui sont des leviers importants. L’agence de l’eau accompagne également les collectivités souhaitant mettre en place des paiements pour services environnementaux.
Promouvoir l’infiltration des eaux pluviales
La lutte contre les pollutions par les eaux pluviales passe par la réduction du ruissellement à sa source, en désimperméabilisant les sols, et en intégrant des aménagements paysagers végétalisés (haies, talus, bandes enherbées…), qui interceptent les eaux de ruissellement et favorisent la porosité des sols. Qu’ils soient installés en milieux urbain ou rural, ces aménagements verts luttent également contre l’érosion, végétalisent les villes et créent des ilots de fraicheur, multipliant les habitats pour la faune et la flore, tout en dégradant les polluants. L’agence de l’eau accompagne la désimperméabilisation et la mise en compatibilité des documents d’urbanisme avec le SDAGE, par une plateforme Eau & urbanisme et un guide sur la désimperméabilisation.
Mieux protéger les milieux les plus vulnérables
Certains milieux sont plus fragiles et nécessitent une surveillance et une prévention particulière. Ainsi, les têtes de bassin versant, constituées de petits ruisseaux, sont davantage sensibles aux pollutions de toute sorte et aux altérations des écosystèmes. Également, les aires de protection de captage d’eau potable sont liées à cet usage prioritaire. Enfin, les zones de baignades et loisirs nautiques, ou lieux de conchyliculture, doivent éviter les contaminations par les virus, parasites ou bactéries, virulents par temps de pluie.
Éviter de concentrer les rejets domestiques en zone rurale
Alors que la tendance a été de raccorder massivement les populations aux réseaux collectifs, l’assainissement non collectif doit être reconsidéré dans les zones peu peuplées, pour éviter de concentrer les rejets sur les petits cours d’eau.
Faire des ponts avec les autres politiques de lutte contre les pollutions et les politiques sectorielles
La pollution de l’air a des origines multiples telles que transports, chauffage domestique, centrales thermiques et industries. Certains polluants atmosphériques comme les hydrocarbures aromatiques polycycliques (HAP) retombent puis ruissellent, compromettant la qualité de l’eau pour près de 70% des rivières. Les actions pour limiter ces polluants ne relèvent pas de la politique de l’eau mais de multiples politiques : celles de la qualité de l’air, de la réduction des gaz à effet de serre, des transports, de l’aménagement du territoire… Par ailleurs, une attention particulière doit être portée dans les projets sectoriels potentiellement sources de pollution (notamment les forages), en particulier pour les eaux souterraines.