Les progrès accomplis
Les prélèvements des collectivités et des industriels en baisse
Les prélèvements dans les nappes souterraines et les rivières pour l’alimentation en eau potable (AEP) des ménages ont connu une baisse constante de 1% par an depuis les années 1990 jusqu’à 2012. Depuis 2013, la moyenne des prélèvements pour l’AEP se stabilise autour de 1,4 M de m3 Cette baisse est due notamment à l’amélioration des réseaux de distribution et aux performances des équipements ménagers et des comportements, alors que la population augmentait de 1% par an. La consommation moyenne en eau du secteur industriel a d‘abord baissé dans les années 2000 avant de se stabiliser au milieu des années 2010, principalement du fait de la désindustrialisation qui se poursuit en France, et des efforts d’économie d’eau réalisés.
Les prélèvements agricoles, qui représentent 5,7% des prélèvements annuels en 2020, et sont concentrés sur les mois les plus secs, sont très variables d’une année à l’autre, avec une tendance à la hausse liée à l’augmentation des surfaces irriguées et au changement climatique. Le développement de la gestion collective des prélèvements est à noter sur le bassin Seine-Normandie.
La gestion efficace des grands lacs
Entre décembre 2017 et février 2018, l’établissement public Seine Grands Lacs, gérant quatre grands lacs réservoirs en amont du bassin, a stocké environ 500 millions de mètres cubes d’eau. Le stockage hivernal des eaux dans les grands lacs a considérablement réduit les effets de la crue de janvier 2018. Il participe également chaque été à soutenir les niveaux de la Seine, de la Marne, de l’Aube et de l’Yonne. Ils jouent ainsi pleinement leurs fonctions d’écrêtage des crues et de soutien d’étiage.
L’adoption du Plan de gestion des risques d’inondation (PGRI) pour l’ensemble du bassin
Ce plan a été approuvé en mars 2022 par le préfet coordonnateur du bassin. Il fixe pour six ans les quatre grands objectifs à atteindre sur le bassin Seine-Normandie, relatifs à la gestion des inondations, et liste 80 dispositions pour les atteindre : réduction de la vulnérabilité, gestion de l’aléa, gestion de crise, amélioration de la connaissance, gouvernance, et culture du risque. Ces dispositions sont autant d’actions pour l’État et les acteurs du territoire (élus, associations, syndicats de bassin versant, établissements publics, professionnels, aménageurs, assureurs), et 14 sont communes au SDAGE.
Les problématiques persistantes
Vers des coûts supplémentaires liés à l’accroissement des inondations et sécheresses
Les scientifiques prévoient une augmentation des épisodes extrêmes de pluies et de sécheresses pour le bassin Seine-Normandie. Ainsi, au niveau national, ces aléas naturels ont coûté entre 1988 et 2013 48 milliards d’euros aux assureurs, et ces coûts devraient doubler d’ici à 2040 selon la Fédération française de l’assurance. Le coût des sinistres climatiques est estimé à 10 milliards d’euros pour la seule année 2022 en France, et 6,5 milliards d’euros en 2023 (troisième année la plus couteuse), contre 3,6 milliards d’euros en moyenne annuelle sur la décennie 2011-2021 (France Assureurs). Au poids financier des dégâts, il faut ajouter le coût des impacts sanitaires du changement climatique, de 22 à 37 milliards d’euros pour la période 2015-2020 en France métropole selon Santé publique France.
Au-delà des mesures d’urgence, le coût d’indemnisation des assurances augmente. On assiste ainsi à la constitution d’une dette environnementale, que chaque catastrophe accentue.
La vulnérabilité des populations augmentée par l’urbanisation en zone inondable et l’aménagement des rivières
Les conséquences des événements naturels extrêmes sont amplifiées par certaines pratiques d’aménagement des territoires : digues le long des cours d’eau ou sur le littoral, obstacles à la circulation des rivières, disparition des zones humides, constructions en zones inondables, ou artificialisation des sols, sont autant de facteurs qui accélèrent et amplifient les crues vers l’aval. Plus de 5 millions de personnes habitent ou travaillent en zone inondable sur le bassin Seine-Normandie. Dans ces zones, l’endommagement des infrastructures de transports, de télécommunications, de gestion de l’eau ou de l’électricité, entraînerait des conséquences bien au-delà de la zone inondée.
Les effets des sécheresses aggravées par certaines pratiques de gestion du sol
Les conséquences des sécheresses peuvent être amplifiées par le tassement des sols lié au passage d’engins lourds, les labours en profondeur, l’absence d’arbres ou de haies, la restitution insuffisante de matière organique, l’utilisation de produits nuisant à la vie des sols (comme les produits phytosanitaires). En effet, un sol en bonne santé est riche en matière organique et en biodiversité, permet aux plantes de bien s’enraciner, dispose d’une bonne réserve en eau, et résiste mieux aux sécheresses.
Ce qu’il nous reste à faire, propositions
Stopper l’artificialisation des sols et promouvoir l’infiltration des eaux pluviales à la source
A l’échelle du bassin Seine-Normandie, l’artificialisation des sols n’a cessé d’augmenter ces dernières années, notamment dans l’agglomération parisienne. La réduction des inondations par ruissellement passe par l’arrêt de l’imperméabilisation des sols et la désimperméabilisation des surfaces bétonnées, au profit d’aménagements végétalisés ou d’autres solutions fondées sur la nature (que ce soit en milieu rural ou urbain) permettant l’infiltration des eaux pluviales à la source, la réduction de la température en ville, et la recharge des nappes.
Reconquérir les zones naturelles de débordement des crues et renforcer la solidarité amont/aval
La reconnexion du lit mineur d’une rivière à son lit majeur, et la restauration de zones humides rivulaires, sont des aménagements résilients face aux inondations.
L’agence de l’eau et l’État accompagnent les collectivités riveraines et les agriculteurs pour la restauration des zones où l’eau peut déborder naturellement, les zones d’expansion de crue, sans causer de dommage aux riverains. Ces zones en amont des villes ont généralement plusieurs usages, espaces de loisirs, parcelles agricoles, et permettent d’éviter des catastrophes en aval.
Augmenter la culture du risque et aménager les territoires de manière adaptée
Mieux connaître le risque d’inondation est une condition de réussite des actions de prévention, et la conscience du risque chez les acteurs publics et les habitants des territoires inondables reste à développer. Différentes actions de sensibilisation existent : exercices de simulation d’une inondation préparant l’ensemble des services publics à coopérer, établissement de repères de crues, balades urbaines pédagogiques… L’adaptation de l’urbanisme, telle la surélévation des bâtiments par pilotis, est aussi une clé en cours de développement, mais il importe néanmoins de ne pas développer l’urbanisation en zone inondable.
Mobiliser les acteurs sur le besoin de sobriété en eau
Dans la perspective de réduction des débits des cours d’eau liée aux effets du changement climatique, une trajectoire de sobriété a été adoptée au niveau du bassin afin de faire décroitre les prélèvements de 10 % entre 2019 et 2030, qui suppose un engagement et des actions de chaque type d’usagers. Pour l’alimentation en eau potable, levier principal et incontournable sur le bassin compte tenu du caractère très majoritaire de cet usage, une réduction de 14 % est visée entre 2019 et 2030. Améliorer le rendement des réseaux d’eau potable non performants et sensibiliser les usages finaux de l’eau potable sont des actions prioritaires à mener à ce titre. Pour les prélèvements industriels, hors refroidissement, une réduction dans la continuité des économies observées ces dernières années d’au moins 4 % est attendue en 10 ans. Pour les prélèvements agricoles, un effort soutenu est attendu pour améliorer la sobriété en eau, la baisse des prélèvements des irrigants en place permettant le développement de nouvelles surfaces irriguées en réponse au changement climatique, conduisant à une stabilité des prélèvements.
Accroître la vigilance sur les débits de la Seine et de ses affluents
Les services de l’État et les gestionnaires veillent à assurer des débits minimaux sur la Seine et ses affluents, pour garantir les différents usages de l’eau en restant favorable à la biodiversité. Certains territoires, comme l’agglomération parisienne, sont alimentés en eau potable à 60 % par les rivières (Marne, Seine) dont les débits sont soutenus par les lacs réservoirs.
Développer la collecte séparative des urines au-delà de l’expérimentation
Un siècle de linéarisation de la chaîne alimentation-excrétion a conduit à un système énergivore qui détruit un engrais potentiel, l’urine, et rejette malgré tout à la Seine 40 % de l’azote collecté par le système d’assainissement de l’agglomération parisienne. Or la perspective d’une forte baisse des débits des rivières met en péril le principe de dilution des rejets. Les objectifs de limiter les émissions de gaz à effet de serre et d’atteindre le bon état des cours d’eau conduisent à questionner ce système. Le développement de la récupération des urines à la source, qui peut se réaliser avec différents types de toilettes, permettrait ainsi d’économiser de l’énergie mais surtout de l’eau, et de fournir une grande variété d’engrais.
Adapter les pratiques agricoles pour maitriser l’irrigation
La demande en eau agricole provient en premier lieu de l’irrigation. Le recours à l’irrigation peut dans certains cas permettre des productions diversifiées qui contribuent à l’autonomie alimentaire, au maintien de filières et d’emplois, avec un fort enjeu économique. Les prélèvements pour l’irrigation sont concentrés sur les mois les plus secs de l’année et sont très variables d’une année sur l’autre car très dépendants des conditions météorologiques. Néanmoins la tendance moyenne est à la hausse.
Dans une logique d’adaptation à la réduction de la ressource en eau disponible, les pratiques agricoles permettant d’accroître la capacité naturelle des sols et des plantes à résister aux sécheresses (cultures adaptées, sols riches en matière organique et en racines, haies protégeant des vents desséchants…) et à stocker l’eau doivent être favorisées. Ainsi, un sol en bonne santé joue son rôle naturel d’éponge.